Interview avec le directeur fondateur d’OLYSTIC Works, Xavier Zunigo
Existe-t-il « LE bon moment » pour lancer un questionnaire collaborateurs ?
Spontanément, je répondrai non. Pourquoi ? Parce qu’attendre le parfait moment pour lancer son questionnaire collaborateurs fait toujours courir le risque de reporter sine die cette démarche.
La vie d’une entreprise est en permanence traversée d’événements importants (réorganisation, déménagement, perte d’un contrat…). Or, soucieux des bons résultats de son questionnaire, on présuppose souvent que ces évènements vont les affecter négativement. On préfère alors repousser la démarche de quelques mois. Seulement, quelques mois plus tard, un nouvel événement apparaît, et l’on décide d’un nouveau report, et ainsi de suite… jusqu’à ce que le baromètre collaborateurs tombe aux oubliettes, balayé par d’autres sujets.
Par ailleurs, cette attente du parfait moment repose sur une compréhension quelque peu erronée de l’utilité des baromètres collaborateurs. Aucune organisation soucieuse de son bon fonctionnement et de sa performance ne devrait craindre les résultats de son baromètre collaborateurs, quel que soit son contexte.
S’il existe des dysfonctionnements, tout d’abord ces derniers sont généralement connus et le baromètre permettra de les objectiver : concernent-ils 80% de l’entreprise ? ou bien seulement 20% ? On voit ici clairement que plan d’actions et communication ne seront pas du tout pareil en fonction des résultats. Au contraire, si l’organisation se porte bien, les baromètres collaborateurs peuvent venir conforter cette vision, autoriser des communications mobilisatrices, mais aussi identifier des signaux faibles, des tendances qui commencent à très légèrement se dégrader, et ainsi ajuster ou compléter sa politique QVT.
Bref, les baromètres collaborateurs sont avant tout un outil de mesure et de monitoring. Peu importe le contexte, il est important de prendre régulièrement le pouls de son organisation.
Alors finalement, il n’y aurait pas de meilleurs moments pour lancer un baromètre collaborateur ?
Il n’existe pas de moments parfaits, mais il existe en revanche des moments plus adéquats que d’autres. Il y a de bons et de moins bons moments pour lancer une enquête.
Chaque entreprise a son rythme et ses cycles, de grands ou de petits événements qui cadencent sa vie et celle de ses collaborateurs. Personne mieux que l’organisation ne connaît cette dynamique.
Il est souvent intéressant d’associer les questionnaires collaborateurs aux moments clés de l’organisation et de les lancer en amont de ces événements (1 semaine à 1 mois selon le sujet) :
- réunion des cadres,
- kick off collaborateurs,
- semaine de la sécurité au travail ou de la santé au travail,
- pic saisonnier d’activité, etc.
Tout en restant parcimonieux, vous pouvez aussi programmer vos sondages à échéance régulière : mensuellement, bimensuellement ou trimestriellement. Cela permet de créer un rythme lisible pour l’ensemble des collaborateurs et d’ancrer les outils d’aide à la décision que sont les questionnaires dans les pratiques managériales et les habitudes de l’entreprise.
De plus, la rentrée, le début ou la fin d’année sont des périodes généralement propices pour les enquêtes longues. Vous évaluez ainsi vos progrès, tout en impulsant une nouvelle dynamique.
Une fois que l’on a décidé du moment, comment orchestrer le temps de l’enquête ?
La communication sur les questionnaires est cruciale. Il faut communiquer à des moments qui semblent adéquats selon les habitudes et les rythmes de l’entreprise. Il est par exemple important que la communication soit envoyée à un moment propice pour la plupart des collaborateurs afin que la démarche de questionnaire ne soit pas noyée dans 10 autres sujets. Il ne faut pas communiquer trop tôt, par exemple 10 jours avant l’ouverture du questionnaire, car les collaborateurs oublient le messages, ni trop tard, la veille pour le lendemain,
Bien expliquer en amont les raisons et le déroulement du baromètre aux collaborateurs favorise un meilleur engagement dans la démarche, un meilleur taux de réponses et in fine des résultats plus fiables. Il est essentiel qu’elle soit comprise dans une politique QVT globale, qu’elle ne soit pas perçue comme un élément anecdotique mais plutôt comme une continuité logique de l’ensemble de la politique RH.
En conclusion vous diriez ?
Pour caricaturer, on pourrait dire lancer un questionnaire quand vous voulez et nous serons là pour aider ! Plus sérieusement, il est surtout essentiel de bien comprendre que les questionnaires sont des outils de diagnostic puissants qui permettent de comprendre et de travailler la performance organisationnelle et managériale d’une organisation.
Ce sont des outils qui peuvent confirmer les sources de satisfaction au travail, les forces de l’organisation, mais ce sont aussi des outils de diagnostic qui sont là pour améliorer l’entreprise et qui permettent d’identifier les sources d’insatisfaction et certains dysfonctionnements. Le but de l’ensemble de ces démarches, c’est que l’entreprise s’inscrivent de manière pérenne dans une logiques d’amélioration continue : organisationnelle, opérationnelle relationnelle et… humaine.
Xavier Zunigo est sociologue du travail, docteur en sociologie (EHESS/ENS). Fondateur d’OLYSTIC et d’ARISTAT Conseil, deux cabinets dédiés à l’amélioration du travail et de la vie au travail. Enseignant et chercheur associé en santé au travail à l’Université Paris-Dauphine (IRISSO).