Situations de crise ou d’urgence, contactez directement notre équipe :

Les signes du harcèlement moral au travail : comment les reconnaître

En tant que professionnel RH ou acteur de la prévention, vous êtes confronté à des situations complexes où les signes de harcèlement moral ne sont pas toujours explicites. Reconnaître ces signaux est une étape clé pour prévenir les risques et agir en responsabilité.

Ce que révèle l’ignorance des signes de harcèlement au travail

Dans votre rôle de DRH, médecin du travail ou préventeur, vous êtes souvent le premier à identifier des comportements dégradant la santé mentale d’un salarié. Pourtant, entre signaux faibles et manifestations visibles, le harcèlement moral s’installe parfois dans l’ombre du quotidien.

Un salarié victime de harcèlement moral ne s’effondre pas du jour au lendemain. Il s’épuise lentement, subit des attaques récurrentes, perd pied dans ses relations, puis dans ses missions. Sans détection rapide, les conséquences deviennent cliniques, juridiques et économiques.

Impacts identifiés du harcèlement moral non détecté

Domaine affecté Conséquences observées Sources officielles
Santé mentale et physique Troubles du sommeil, dépression, idées suicidaires, burnout INRS, 2023
Climat social en entreprise Perte de confiance dans la hiérarchie, effets boule de neige au sein des équipes ANACT, 2022
Productivité / performance Baisse de rendement, erreurs, absentéisme récurrent Ministère du Travail, Dares, 2021
Responsabilité juridique employeur Mise en cause devant le conseil de prud’hommes, condamnations pour manquement à l’obligation de sécurité Code du travail, art. L4121-1 / Jurisprudence

Retenez ceci : tout comportement dégradant de façon répétée les conditions de travail d’un salarié, même à bas bruit, constitue un terrain de harcèlement. L’ignorer ou le banaliser engage non seulement la santé du collaborateur, mais aussi la responsabilité de l’organisation.

Les différents types de signes à surveiller

Vous ne pouvez ignorer que le harcèlement moral se manifeste sous plusieurs formes. Comportements, interactions sociales, organisation du travail ou signes cliniques, ces dimensions convergent. Les repérer distinctement est un prérequis pour établir un diagnostic rigoureux et fiable.

Signes comportementaux : agressions verbales, dénigrement, sarcasmes

Dans votre exercice de prévention, les signes comportementaux constituent souvent les premiers indicateurs d’une situation de harcèlement moral. Ces comportements hostiles ne sont pas toujours spectaculaires, mais leur récurrence en fait des signaux majeurs.

Exemples observables sur le terrain :

  • Remarques dévalorisantes ou humiliantes devant les collègues
  • Sarcasmes répétés sur la performance ou l’apparence
  • Ton agressif, haussement de voix injustifié
  • Dénigrement systématique lors des réunions
  • Répétition de critiques personnelles déguisées en « humour »

Ces comportements ont un objectif commun : affaiblir la confiance professionnelle du salarié, jusqu’à créer un sentiment d’illégitimité. Ils s’inscrivent pleinement dans la définition du harcèlement moral issue du Code du travail (article L1152-1), qui cible les agissements répétés portant atteinte à la dignité ou à la santé mentale.

Signes relationnels : isolement, silence, marginalisation

L’exclusion sociale en entreprise est souvent progressive. Elle commence par des signaux subtils, mais ses effets sont profonds. Lorsqu’un salarié est systématiquement ignoré, tenu à l’écart des échanges ou non consulté dans ses missions habituelles, le mécanisme d’ostracisme est enclenché.

Situations fréquentes :

  • Absence de retour aux salutations
  • Suppression des échanges informels : déjeuners, pauses, discussions collectives
  • Omission volontaire dans les e-mails groupés ou les réunions
  • Réactions brèves, évasives, voire silencieuses, sans conflit apparent

Les études montrent que l’exclusion sociale a des effets comparables, voire supérieurs, à ceux d’un conflit ouvert, notamment en termes de stress et de dégradation du sentiment d’appartenance. Ce sentiment de solitude peut s’ancrer durablement, même dans des équipes apparemment bienveillantes.

Signes relationnels isolement, silence, marginalisation

Signes organisationnels : retrait de tâches, pression, placardisation

Les décisions organisationnelles deviennent suspectes lorsqu’elles manquent de justification claire et concernent un seul salarié. Dans le cadre du harcèlement, ces pratiques visent à déstabiliser la personne en retirant progressivement tout levier d’action sur son travail.

Indicateurs concrets :

  • Suppression d’un périmètre ou d’un outil essentiel
  • Mutation interne sans explication, ni consultation
  • Assignation à des tâches répétitives, sous-qualifiées, ou sans enjeu
  • Retrait de dossiers majeurs sans transmission ni relais explicite

Dans ce type de configuration, l’impact est double : d’un côté, perte de sens et d’utilité ; de l’autre, impression d’être visé par une logique d’éviction. Cette mécanique, souvent décrite comme « placardisation », constitue une forme documentée de harcèlement, comme le précise le Village de la justice.

Signes physiques et psychologiques : stress, fatigue, troubles du sommeil

L’altération de la santé est rarement le point de départ du repérage. Et pourtant, elle constitue l’indicateur le plus stable dans le temps. Les troubles physiques et psychologiques liés au harcèlement sont aujourd’hui bien documentés.

Symptômes récurrents :

  • Épuisement émotionnel et fatigue persistante
  • Troubles du sommeil (insomnie, réveils nocturnes, cauchemars)
  • Irritabilité, maux de tête, douleurs diffuses
  • Anxiété anticipatoire avant d’entrer sur le lieu de travail

Ces troubles relèvent des risques psychosociaux et sont associés à une exposition prolongée à un environnement hostile. Le CEDIP précise que ces signes doivent être interprétés comme des effets de terrain et non comme des faiblesses individuelles. Le repérage médical peut ici jouer un rôle d’alerte décisif.

Signes organisationnels retrait de tâches, pression, placardisation

Signaux faibles et signaux forts : identifier le harcèlement à temps

« Le signal faible n’est pas une preuve. Il est un changement subtil de posture, d’émotion ou de comportement. Ce qui le rend opérationnel, c’est sa répétition et sa convergence avec d’autres indices. »

— Cahier de repérage des signaux faibles, CEDIP – Ministère de la Transition écologique

Dans votre rôle de préventeur, vous êtes rarement alerté par une déclaration directe de harcèlement. Vous l’êtes par des décalages : comportement inhabituel, fatigue persistante, tensions informelles. Ces signaux ne suffisent pas à eux seuls, mais leur accumulation doit enclencher un processus d’analyse.

Typologie des signaux à croiser :

Signaux faibles : absences inexpliquées, repli en réunion, nervosité, micro-conflits

Signaux moyens : éviction des projets collectifs, baisse de qualité du travail, désengagement visible

Signaux forts : exclusion formelle, dénigrement répété, modification de poste sans justification, altération de santé

Accumulation de signaux autour d’un salarié

Corrélation signaux / action attendue

Type de signal Exemple concret Action préventive recommandée
Faible Employé isolé pendant les pauses Observation + entretien individuel
Moyen Tâches retirées sans consultation Analyse managériale ciblée
Fort Surveillance renforcée, mise à l’écart institutionnelle Déclenchement de procédure RPS + alerte RH
Évolution des signaux vers alerte RH

Quand le harcèlement crée une image d’incompétence chez la victime

« Quand un salarié compétent finit par douter de ses propres capacités, c’est souvent l’environnement qui a changé, pas ses compétences. » — Étude de cas RPS, cabinet Aristat Conseil, 2023

En tant que DRH, vous savez qu’un salarié désigné comme « fragile » peut l’être devenu. Une stratégie de harcèlement bien menée crée l’apparence d’une incompétence. Ce phénomène repose sur un ensemble d’agissements ciblés, jamais isolés mais construits pour fragiliser la légitimité professionnelle.

Faux signes d’incompétence : critiques injustes, dénigrement répété

Chronologie professionnelle (cas réel anonymisé)

  • Mois 1 → retrait progressif des missions-clés
  • Mois 3 → attribution de tâches sans lien avec le poste
  • Mois 5 → critiques récurrentes devant les collègues
  • Mois 7 → entretien RH évoquant une « perte de performance
  • Mois 9 → burn-out médicalement constaté

Vous êtes face à une stratégie de mise en échec. Aucun fait isolé ne prouve une volonté de nuire, mais l’enchaînement trahit une intention de déstabilisation.

Comportements typiques à documenter :

  • Objectifs modifiés a posteriori
  • Retrait de moyens de travail (outils, accès, collaborateurs)
  • Dévalorisation en réunion, e-mails sans réponse
  • « Oublis » répétés dans la communication
  • Absence de feedback constructif malgré les demandes
Mise en échec silencieuse d’un salarié

Signes réels d’incompétence (hors harcèlement)

Dans votre rôle de DRH ou manager, vous êtes parfois confronté à une baisse de performance qui ne relève pas d’un contexte de harcèlement. Pour être qualifiée d’insuffisance professionnelle, cette baisse doit répondre à trois critères cumulatifs : durabilité, objectivité, absence de volonté fautive.

Une erreur ponctuelle, un oubli ou un retard isolé ne suffisent pas. Ce sont les dysfonctionnements persistants malgré les actions de soutien qui doivent alerter.

Les indicateurs à examiner sont notamment :

  • Erreurs répétées, malgré un accompagnement ciblé et documenté
  • Retards systématiques, y compris après réorganisation ou ajustement
  • Aucune amélioration après formation, ou retour à l’état initial
  • Incapacité à intégrer des procédures de base, sans justification contextuelle

Ce type de situation suppose une traçabilité RH solide et un diagnostic basé sur des éléments mesurables dans le temps, sans charge émotionnelle.

L’Édition Tissot rappelle que l’insuffisance professionnelle ne se déduit jamais d’un ressenti. Elle doit être fondée sur des faits observables, opposables, et évalués dans une logique de progrès.

L’absence de contestation par le salarié n’est pas un critère : seule la cohérence des constats justifie, le cas échéant, une mesure formelle.

Baisse de performance sans hostilité

Se sentir exclu dans son environnement professionnel

Dans votre rôle de médecin du travail, vous pouvez observer des signes silencieux mais puissants : salariés qui évitent les espaces collectifs, qui ne participent plus, qui deviennent invisibles sans être en arrêt. L’exclusion professionnelle se manifeste rarement par des faits visibles — elle se ressent, se vit, puis s’installe durablement.

Cette mise à l’écart tacite est souvent ignorée dans les démarches de prévention car elle ne produit pas d’alerte directe. Pourtant, ses effets sont dévastateurs sur le sentiment d’appartenance et la santé mentale.

Manifestations fréquentes de cette exclusion informelle :

  • Salarié non salué, ignoré dans les interactions de groupe
  • Omission des invitations aux réunions ou pauses collectives
  • Retrait progressif des tâches collaboratives
  • Bureau déplacé hors de l’espace d’équipe
  • Aucune sollicitation dans les décisions communes

Le site Parlons Santé précise que cette forme d’ostracisme est plus difficile à prouver, mais que ses effets cognitifs et émotionnels sont comparables à ceux du harcèlement explicite. Agir dès les premiers signes d’invisibilisation est un levier de protection crucial.

Salarié exclu de l’équipe en silence

Jalousie au travail : quand l’envie devient destructrice

Le syndrome du grand coquelicot désigne le rejet ou la dévalorisation d’un collaborateur qui réussit ou se distingue. Cette forme de jalousie organisationnelle est répandue dans les environnements compétitifs.

– Source : IPRH Consultants, 2023

En tant que DRH, vous avez probablement déjà constaté ce phénomène : un salarié récemment promu devient, en quelques semaines, la cible de critiques, d’isolement ou de commentaires acerbes. Il ne s’agit pas de conflit ouvert, mais de stratégies discrètes de mise à niveau… par le bas.

Rejet d’un salarié qui réussit

Signes typiques d’une jalousie toxique au travail :

  • Retrait soudain des interactions amicales habituelles
  • Remarques dévalorisantes sur ses résultats (« c’est juste de la chance »)
  • Rumeurs, insinuations ou mises en doute systématiques
  • Refus implicite de coopération sur les projets
  • Dénigrement auprès de la hiérarchie, sans motif objectif

Cette jalousie devient un mécanisme d’exclusion, parfois difficile à distinguer d’un désaccord professionnel. Mais lorsque la logique est répétitive et ciblée, elle peut dériver vers des actes de harcèlement moral déguisé, comme le rappelle le rapport IPRH sur les femmes leaders.

Que faire si vous êtes confronté à ces signes ?

Réflexes professionnels face aux signaux de harcèlement

Situation observée Action immédiate Objectif visé
Isolement répété d’un salarié Échange individuel confidentiel Évaluation du ressenti + contextualisation
Dénigrement en réunion Signalement à la ligne managériale Protection du salarié
Tâches modifiées sans justification Demande de justification RH Requalification organisationnelle
Symptômes physiques (stress, insomnie, etc.) Orientation vers le médecin du travail Prise en charge médicale précoce
Harcèlement avéré ou convergence de signaux Déclenchement d’une procédure interne (article L1152-1) Traitement officiel de la situation

Agir vite ne signifie pas précipiter. Dans votre fonction, la priorité est de documenter les faits, écouter sans orienter et mobiliser les bons relais : CSE, référents RPS, RH, médecin du travail. Toute personne confrontée à du harcèlement peut alerter sans être tenue de prouver l’intention. L’employeur, lui, a une obligation de résultat en matière de protection.

Conclusion

Prévenir le harcèlement moral, l’exclusion sociale ou la disqualification professionnelle ne repose pas sur une intuition, mais sur une capacité structurée à observer, croiser et qualifier des faits dans leur contexte. Ce n’est ni une question d’opinion, ni de ressenti isolé. C’est un enjeu de méthode.

Pour vous, professionnels RH, préventeurs ou praticiens de santé au travail, la vigilance n’est pas une posture. C’est une compétence à cultiver au quotidien, au service d’un collectif qui fonctionne — et de ceux qui y travaillent sans toujours oser dire qu’ils en souffrent.

Xavier Zunigo
Article rédigé par :
Xavier ZUNIGO, directeur fondateur, docteur en sociologie, Paris

Passionné par l’amélioration de la qualité de vie au travail et les risques psychosociaux, j’ai consacré ma carrière à aider les entreprises à créer des environnements de travail sains et productifs. Fort de mon expertise en prévention des risques psychosociaux et en accompagnement des transformations organisationnelles, je partage des conseils pratiques et des stratégies éprouvées à travers mes articles. Mon objectif est d’inspirer mes lecteurs à transformer positivement leur milieu professionnel grâce à des actions concrètes et efficaces.

“Les baromètres sociaux ne se substituent pas à l’action managériale. Ils l’enrichissent et la renforcent.”

Échanger avec l’un de nos experts sur votre projet ?

Vous avez des questions ou souhaitez discuter de votre projet avec nos experts ? Nous sommes là pour vous aider à trouver des solutions adaptées à vos besoins spécifiques. Notre équipe est prête à vous accompagner dans chaque étape de votre démarche.