Quelles sont les tendances Rh observables tout au long de cette année 2022 ? L’équipe d’ARISTAT Conseil passe en revue les grands sujets et enjeux des ressources humaines d’aujourd’hui, dans un contexte où la crise sanitaire a joué un rôle d’accélérateur du changement.
La crise, accélérateur de changement
Les difficultés de recrutement que connaissent les entreprises témoignent de la rupture d’un équilibre fragile. Il est notable qu’après la crise, les salariés ne sont pas revenus au travail dans le même état d’esprit. Beaucoup se sont sentis grandement fragilisés et ne veulent plus revenir à un statu quo. On parle même aujourd’hui de « Great Resignation » pour faire écho à la grande dépression des années 30. D’après une étude du cabinet Gallup aux États-Unis, 48 % de la population active américaine serait à la recherche de nouvelles opportunités professionnelles.
Pour citer The Guardian, « 2021 fut l’année de la “Great Resignation” – une année où le taux de démission des travailleurs a atteint un niveau historique » [lien vers l’article].
En France, selon une étude de la DARES, près de 470 000 français ont quitté leur CDI au premier trimestre de l’année 2022, ce qui représente 20 % de démissions en plus qu’en 2019 à la même période. De plus, selon une enquête OpinionWay, 35 % des salariés interrogés envisageraient de quitter leur poste.
Une nouvelle façon de penser le recrutement
Cette difficulté est renforcée par un nouveau rapport des salariés à leur travail : selon une recherche conduite par Manpower Group, 57 % des hommes et 74 % des femmes imaginent pouvoir faire un break dans leur carrière pour s’occuper de leurs enfants, de leurs parents ou pour soutenir leur partenaire dans son travail – cela représente un pourcentage beaucoup plus élevé que pour les générations précédentes. Par conséquent, les entreprises vont devoir inventer de nouvelles façons de recruter, comme par exemple, le returnship qui consiste à recruter des personnes ayant quitté un certain temps le monde du travail.
Par ailleurs il est notable que la concurrence entre entreprises pour recruter et garder ses talents se densifie. C’est pourquoi, il ne faut pas hésiter à faire appel aux travailleurs freelance et à développer avec le plus grand soin la « marque de l’entreprise » afin de séduire les salariés. C’est un atout non négligeable pour les recruteurs : elle permet de mettre en avant l’entreprise, mais aussi de fidéliser les salariés.
L’importance de donner du sens au travail
Une des grandes tendances de 2022 se matérialise par le désir toujours plus fort d’exercer un travail qui a du sens. Selon un sondage IPSOS publié en2020, 90 % des employés interrogés jugeaient essentiel ou important que leur entreprise « donne un sens à leur travail ».
C’est pourquoi il peut être intéressant de faire appel à un responsable RSE (Responsabilité sociétale entreprise), d’engager l’entreprise dans une démarche de Qualité de vie au travail solide et de repenser la place de l’entreprise dans la société.
La Qualité de vie au travail et les soft skills
Suite à une étude publiée en septembre 2021 par Malakoff Humanis, on note que 82 % des salariés français attendent de leur employeur un véritable engagement dans la conduite d’actions permettant d’améliorer la qualité de vie au travail : évaluation régulière de la charge de travail, favoriser l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, communication, valorisation du travail, déterminer clairement les missions de chacun pour éviter le surinvestissement émotionnel, mise en confiance et management plus horizontal…
Cette attention croissante à la Qualité de vie au travail va de pair avec la mise en valeur des « soft skills » par différence avec les « hard skills ». Alors que les dernières décrivent les savoir-faire liés au métier lui-même, le terme de soft skills a été inventé pour décrire toutes les compétences nécessaires à la vie en entreprise qui ne sont pas clairement quantifiable : esprit d’équipe, créativité, flexibilité, intelligence émotionnelle, esprit critique, négociation, prise de décision…
Vers une une entreprise inclusive
L’entreprise en 2022 se doit d’être inclusive : « L’inclusion ne consiste pas à intégrer les personnes potentiellement discriminées à un groupe se rapprochant de “la norme”, mais à placer chaque individu sur un même piédestal, et de le considérer comme un cas unique » (Le Sénat, 2020).
Au sein de l’entreprise, l’inclusion est un outil pour augmenter le bien-être des salariés ainsi que la productivité. Le communiqué de presse publié par le cabinet Deloitte en 2019, « Diversité et Inclusion : un moteur de performance et de transformation » met en lumière l’importance des politiques inclusives dans l’entreprise : « L’Organisation Internationale du Travail évoque près de 60 % de chances supplémentaires d’accroître ses résultats et d’engager ses talents dans la durée ». Ainsi, dans une entreprise inclusive, peu importe le sexe, la religion, la couleur, l’expérience, chacun est perçu pour sa richesse particulière. Le groupe, quant à lui, se constitue avec et à travers ces différences.
Flexibilité, mobilité, équilibre professionnel
La crise a accéléré la recherche d’un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Différents procédés ont été mis en place : organisation hybride entre présentiel et télétravail, flex-office, mais également workation et tracances.
Dans ce contexte, la productivité se conçoit autrement, sur deux rythmes : un temps relativement solitaire offrant une grande productivité et le respect de temps collectifs, moins productifs mais nécessaires à la vie de l’entreprise et au bien-être des salariés. Le bureau est pensé comme tiers-lieu, comme espace dela collaboration et de convivialité. Il est alors fondamental de réguler les horaires afin de rythmer la vie commune selon une même cadence. Si les salariés veulent travailler après 17h, ils le peuvent, mais rien d’obligatoire n’est programmé. C’est que l’on nomme le « Feierabend » en Allemagne.
Cette recherche d’équilibre passe aussi par un désir croissant des collaborateurs de pouvoir mêler plus librement vie privée et vie professionnelle. Progressivement, ce que l’on appelle« workation » ou « tracances » tend à se démocratiser. Travailler sur son lieu de vacances, partir plusieurs semaines en télétravaillant, être connecter seulement le matin … Parmi les salariés, ce sont principalement les cadres de 18-34 ans qui aspirent à mêler vacances et travail.
Ainsi, les entreprises vont avoir tendance à intégrer dans leur management, la flexibilité mais également la mobilité et une pratique nomade du travail.
La digitalisation du monde de l’entreprise et de la fonction RH
La digitalisation du monde de l’entreprise est aujourd’hui massive. Les nouvelles technologies ont considérablement modifié le rapport au travail. Elles ont permis de repenser les distances, mais également le temps, le rapport entre les collaborateurs, la productivité (diminution des coûts et de l’effort humain). Elles continuent également de bouleverser notre monde, nos habitus les plus ancrés et redéfinissent notre façon de vivre.
Ainsi l’entreprise de demain se doit de prendre en charge d’une façon plus volontariste sa propre transition digitale ainsi que la régulation qui l’accompagne (protection des données, efficacité des processus dématérialisés, mise en place de canaux de communication officiels, fourniture de matériel… On peut noter par exemple la fourniture d’un ordinateur par l’entreprise pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions ou la contribution à la location d’un espace de co-working).
Si l’on s’intéresse plus spécifiquement à la fonction RH, il est évident qu’elle aura de plus en plus recourt à l’Intelligence Artificielle pour automatiser les processus de recrutement et la gestion des paies. Les ATS (Applicant Tracking System, logiciel de gestion des candidatures) se répandent à une vitesse grandissante dans ce secteur.
Moins travailler, mieux payer permet-il de devenir plus productif ?
Et si la semaine de 4 jours était l’avenir de l’entreprise ? Laurent de la Clergerie, chef d’entreprise de LDLC, société de commerce en ligne basée à Lyon et comptant 800 salariés, explique : « Depuis qu’on a fait le choix des quatre jours en janvier dernier, la tension est totalement descendue. Je ne peux pas affirmer que tout le monde soit content de venir au travail, mais maintenant, je vois des sourires à la fin de la semaine », dit-il. Le chiffre d’affaires serait quant à lui passer de 500 millions à 725.
Le collaborateur disposant de 3 jours de repos par semaine serait plus productif et produirait ainsi autant que ce qu’il donne à l’entreprise en 5 jours. Il est également possible de réduire un peu le temps de travail (passer par exemple de 35h à 32h de travail). Ce choix se fera selon le fonctionnement de l’entreprise mais également en concertation avec les collaborateurs.
Nous pouvons citer le cas de l’Islande où le gouvernement a proposer à 2500 islandais en 2019 de passer à la semaine de 4 jours dans le cadre d’une expérience. Visiblement, les salaires et la productivité n’ont pas diminué (voir l’article ici).