Le bonheur au travail prépare-t-il la prochaine crise psychosociale ?

Notre CEO et fondateur partage son avis d’expert et de sociologue du travail sur la notion de Bonheur au travail. L’engouement pour la notion est certes en voie de disparition, c’est le constat que les équipes d’OLYSTIC dressent chaque jour sur le terrain ; cependant, ce que révèle le succès éphémère de cette notion permet finalement de reposer la question fondamentale de la santé au travail qui représente aujourd’hui un enjeu beaucoup plus rationnel et durable pour les entreprises.

Qu’entend-on par cette notion, désormais très répandue dans le monde de l’entreprise, de bonheur au travail ?

C’est une notion relative et ambigüe. La première ambiguïté repose sur le fait contradictoire de relier le monde du travail à la notion de bonheur ! Ce concept, tant abstrait que subjectif, est caractéristique d’une catégorie bien spécifique d’actions avec un objectif, pour ainsi dire, inatteignable. Je m’explique : le bonheur donne une direction et indique la marche à suivre pour atteindre une finalité qui, tel l’horizon, tend toujours à s’éloigner à mesure que l’on s’en approche… Mais cet idéal du « bonheur au travail » est aussi un concept marketing destiné à vendre des prestations diverses et variées. Pour autant, il est difficile de le critiquer. On ne peut pas s’opposer à l’idée de bonheur !

Quel problème pose cette notion ?

Le sens étymologique du mot travail, du latin tripalium signifiant torture, est bien connu de tous. On peut s’opposer à cette représentation, bien sûr, et considérer que la pénibilité du travail appartient au passé, que les nouvelles formes d’organisation favorisent un meilleur rapport au travail… Néanmoins, toutes les études statistiques révèlent, au contraire, une dégradation des conditions de travail depuis 20 à 30 ans. Et parallèlement, le vocable du bonheur au travail prend son envol. On peut donc légitimement s’interroger sur la réalité et les effets que couvre l’utilisation de cette notion dans un contexte manifeste d’érosion de la qualité de vie au travail. 

Justement, quels peuvent être ces effets ?

Le décalage risque de creuser l’écart entre les représentations des conditions réelles de travail et une communication d’entreprise trop optimiste, qui maquille le bien-être au travail sous le fard illusoire du « bonheur au travail ». Ce décalage contribue à la démoralisation des salariés qui ne voient aucun changement réel dans leurs conditions de vie travail ! Une grande part de responsabilité revient là aux entreprises et aux prestataires. Plutôt que de s’attaquer aux problèmes d’organisation du travail, on met en place des dispositifs artificiels qui, dès lors qu’un problème survient, se fracassent sur le mur de la réalité. 

Cette notion est donc dangereuse à terme ?

Dans une certaine mesure et sous certains aspects, ma réponse est oui, mais… pas uniquement, car elle fait aussi vivre l’idée qu’il est important de faire attention à ses collaborateurs et à leurs conditions de travail. Elle met dans la tête des directeurs et des managers qu’il faut s’intéresser à ses ressources humaines. Tout n’est donc pas complètement négatif. Mais si cette notion n’est pas inutile, on peut tout de même la considérer comme dangereuse et se demander si elle ne prépare pas la prochaine crise psychosociale que connaîtront les grandes entreprises.

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