Le harcèlement en entreprise, qu’il soit moral ou sexuel, est une question complexe. Qu’est-ce qui le caractérise ? Comment distinguer harcèlement et comportement déplacé ? Comment recevoir la parole d’un salarié harcelé ? Toutes ces questions sont essentielles et la loi Santé au travail de 2021 ainsi que le Code du travail représentent des appuis importants pour démêler des situations épineuses.
Le cadre légal du harcèlement moral et sexuel
Nous pouvons, en citant le Code du travail, et le « Titre V, Harcèlements », dresser un état des lieux du cadre légal sur le harcèlement.
Résumons en trois points :
- Pour qu’il y ait harcèlement moral, il faut que les agissements soient répétés :
- Article L1152-1 : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
- Pour qu’il y ait harcèlement sexuel, il en va de même :
- Article L1153-1 : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
- En revanche, il suffit d’une « pression grave » en vue d’obtenir un rapport sexuel pour que l’on parle de harcèlement :
- Suite de l’article L1153-1 :« Aucun salarié ne doit subir des faits : 2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Par ailleurs, la loi Travail de 2021 n’a pas seulement insisté sur les conditions de travail et la prévention. Mais elle a également éclairci la notion de harcèlement, aussi bien moral que sexuel, dans le Code du travail.
« La définition du harcèlement sexuel dans le Code du travail est étendue :
- aux propos et comportements à connotation sexiste
- aux propos et comportements à connotation sexuelle ou sexiste venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée
- à de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».
Il faut noter que, contrairement au Code pénal, le harcèlement moral et sexuel dans le cadre de l’entreprise ne retient pas « d’élément intentionnel » pour être considéré comme harcèlement. Le ressenti et la parole du salarié suffisent pour lancer une enquête : « Le harcèlement sexuel au travail est constitué lorsqu’il est subi par le salarié et non pas lorsqu’il est imposé par l’auteur ou les auteurs ». (Voir le site du gouvernement)
Les employeurs ont intérêt, au regard de leur obligation d’action, à mettre en place des actions de prévention pour sensibiliser et former les salariés. Il est également possible de désigner des référents harcèlement sexuel et agissements sexistes parmi les élus du Comité social et économique (CSE), ou parmi les salariés.
Si un salarié est victime de harcèlement, plusieurs solutions s’offrent à lui :
- Il peut alerter le CSE et les représentants du personnel pour être accompagné dans ses démarches. Le CSE dispose d’un « droit d’alerte pour prévenir l’employeur de tout cas de harcèlement moral »
- Il peut alerter son employeur qui aura alors pour obligation de diligenter une enquête.
- Il peut alerter l’inspection du travail. Dans ce cas, l’agent de contrôle (inspecteurs et contrôleurs du travail ) vérifie si les faits signalés « constituent un harcèlement. Si cela semble être le cas, l’agent pourra être amené à réaliser une enquête. Après enquête, si l’inspecteur du travail constate une infraction, il informe le Procureur de la République ».
- Il peut demander une médiation : « Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause ». Article L1152-6. Le médiateur peut être une personne interne à l’entreprise. Si la médiation échoue, la personne victime peut intenter une action en justice auprès du conseil des prud’hommes.
- Dans tous les cas, l’employeur doit répondre à la demande du salarié, que ce soit l’enquête ou la conciliation.
Quelles sont les obligations de l’entreprise face à la rumeur qui court ?
L’obligation de résultat à laquelle est soumis l’employeur peut rendre difficile son action. Même la jurisprudence est parfois contradictoire entre la Cour d’appel et la Cour de cassation.
Cependant, nous pouvons établir à minima une ligne de conduite en dissociant « enquête interne » et « analyse de situation ».
- Si l’employeur est alerté par le salarié, ou par les membres du CSE, il doit mettre en place une enquête qui peut se faire à l’insu du collaborateur mis en cause. Il peut aussi, avec l’accord de l’employé, mettre en place une procédure de conciliation. Nous pouvons citer la Cour de Cassation : « manque à son obligation de sécurité, l’employeur qui ne prend aucune mesure et qui n’ordonne aucune enquête après qu’un salarié ait dénoncé des agissements de harcèlement moral, que ces agissements soient établis ou non »
- Cependant, si l’employeur n’est pas officiellement alerté, mais qu’il est confronté à un ensemble de rumeurs, il peut demander une analyse de situation sans réaliser une enquête. Il doit alors informer l’ensemble des salariés, car seuls les faits de harcèlement moral explicitement mentionnés justifient de passer outre l’article L.1222-4 du Code du travail : « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance »
- Pour finir, l’employeur doit « répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ». Si le harcèlement est le fait de personne disposant d’une autorité au sein de l’entreprise, l’employeur, en tant que responsable, doit agir avec plus de précautions. Ainsi, si des suspicions de harcèlement existent à l’encontre d’un collaborateur disposant d’une autorité sur X collaborateurs, l’employeur est dans l’obligation de mettre en place une analyse de situation. A défaut, il peut se voir condamner au même titre que la personne ayant harcelé ses subordonnés.
Pour ce qui est du formalisme de l’enquête, rien n’est dit explicitement dans le Code du travail. Cependant, comme l’enquête interne est un outil légal il est fortement conseillé de :
- Rédiger un compte-rendu de chaque entretien et le faire signer.
- Interroger l’ensemble des collaborateurs constituant l’environnement proche du collaborateur.