Pourquoi parler de qualité de l’emploi ?

Réponse souvent première et évidente : la rémunération. Nous serions prêts à travailler avec exigence et circonspection à condition de trouver que le jeu en vaut la chandelle. 

Seulement, rien n’est si évident. Il existe d’autres critères auxquels nous tenons et qui participent de la définition d’un emploi de qualité. 

Selon une étude publiée par France stratégie, organisme gouvernemental contribuant à la refondation du monde du travail, les collaborateurs insistent sur d’autres enjeux. Ils énumèrent, entre autres, les horaires, l’accès à la formation, des trajectoires professionnelles peu ou pas favorables, des contraintes physiques ou psychologiques. 

Avec cette étude il s’agit de concevoir l’emploi d’un point de vue économique dans son entièreté. Cette analyse globale de l’emploi à pour but de créer de l’embauche et de faire diminuer le chômage. L’absence d’occupation de certains postes à ses raisons et il est possible d’agir dessus. 

« Les salaires ne compensant pas une faible qualité de l’emploi, les améliorations ne pourront pas venir du seul levier de la politique salariale. Il faut agir aussi sur les types de contrats, la formation et les perspectives de carrière, les conditions de travail, avec des priorités qui varient selon les métiers et sont à décliner au niveau des branches. Parce qu’elle est souvent synonyme de satisfaction professionnelle et d’une capacité plus grande à exercer jusqu’à la retraite, la qualité de l’emploi est un levier d’attractivité des emplois et de progrès social. L’enjeu est double : améliorer le bien-être des salariés et assurer les capacités productives des entreprises. » Pour voir le rapport.

Au regard de ces conclusions, l’emploi de qualité dépend fortement du cadre que l’entreprise impose. Bien que certains métiers soient plus exposés à une baisse de qualité et à une pénibilité trop importante, il apparait possible de limiter le ressenti des collaborateurs d’occuper un « mauvais emploi ». 

Prendre en compte la qualité de l’emploi est un facteur de durabilité pour une entreprise. C’est également un enjeu de santé publique. « Le coût des mauvaises conditions de travail sur le financement de la branche accidents du travail-maladies professionnelles de l’Assurance-maladie est de 11,7 milliards d’euros pour les prestations nettes » écrit Maëlezig Bigi, chercheuse affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET). 

Par ailleurs, ce coût augmente. De nombreuses études tendent à montrer que l’incertitude du marché, l’augmentation des exigences productives et une recherche d’économie des coûts ont participé à diminuer la qualité du travail. Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie, le montant des indemnités journalières pour maladie et par salarié a augmenté de 12 % en dix ans

Face à ces chiffres, faire le pari d’un emploi de qualité apparaît rentable aussi bien pour l’entreprise que pour la société. 

Ce constat s’appuie entre autres sur le projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » lancé en mai 2023 par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences-po. Dans l’article, la qualité de l’emploi et du travail : une contre-performance française ? mais également dans ceux qui suivent, les chercheurs font un constat sans appel : la qualité de travail s’est dégradée, le monde du travail français, tiraillé entre plusieurs logiques de management (notamment une logique hiérarchique verticale classique et le « lean à la française ») est malmené.  La qualité du travail est largement entamée. 

Les différents comptes-rendus de ces articles publiés par le journal du Monde s’appuient également sur une baromètre publié par le cabinet Empreinte humaine « réalisé auprès de 2000 salariés et publié fin novembre » et qui « révèle que 48 % sont en détresse psychologique. Sept sur dix affirment que cette situation est due à leur activité professionnelle. « Tous les indicateurs de santé mentale que nous mesurons depuis 2020 se dégradent », alerte Christophe Nguyen, sociologue du travail et cofondateur du cabinet. »

Les chercheurs montrent que l’évolution de l’organisation du travail a généré une baisse significative de la qualité des conditions de travail. Un des facteurs principaux serait le recours massif à la sous-traitance. Ce recours massif aux intérimaires témoigne, selon Jérôme Gautié, révèle « un manque important d’investissement dans le capital humain ». 

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