Le souci de la qualité pour augmenter la productivité : ces organisations innovantes qui font le choix du temps long et d’une culture unanimement partagée

Certes, il existe une logique majoritaire guidée par une économie des coûts et une recherche de rentabilité rapide. Seulement certaines entreprises font un autre pari : développer l’engagement des collaborateurs, s’appuyer sur une équipe stable et fidèle afin de faire reposer la productivité sur une dynamique générale orientée par la qualité. Tout cela contribuant à pérenniser l’organisation et ses performances. 

Faire le pari de prendre soin de ses collaborateurs, c’est considérer qu’ils participent pour une large part à rendre l’entreprise performante ; c’est considérer que la productivité n’est pas uniquement une donnée absolue et qu’il n’est pas possible de faire des collaborateurs de simples exécutants. C’est aussi insister sur le caractère essentiel de la montée en compétence des collaborateurs et d’une adaptation continue aux nouvelles réalités du travail.

Ces entreprises qui refusent de considérer leurs effectifs comme des variables d’ajustement, « nourrissent un modèle vertueux qui génère une montée continue en compétences de leurs salariés et contribue à une performance durable. » Elles ont trouvé des solutions innovantes et pérennes pour durer dans un monde économique instable. Cette stratégie permet également de palier aux difficultés de recrutement.

✘ Gestion globale de l’emploi et de la montée en compétences 

Une vision panoramique de l’emploi

« Les entreprises que nous avons rencontrées ont un modèle de gestion de l’emploi différent des représentations classiques. »

Les dirigeants inscrivent leurs entreprises dans une exigence sociale forte. Globalement, leur vision est multimodale. Ce n’est que pour autant que l’entreprise est impliquée dans une démarche économique et sociale durable au sein d’un territoire qu’elle pourra s’appuyer sur des talents désireux de se former et d’évoluer en fonction des besoins de l’entreprise. On pourrait presque apercevoir un héritage du modèle paternaliste du XIX° siècle. Selon Pierre Deheunynck, président de France compétences, la pensée de ces dirigeants de ces entreprises se nourrit « de pragmatisme, d’expérimentation et de bon sens, ainsi que d’un attachement et d’une croyance en l’humain ». 

Une large gamme de solutions

Ces entreprises s’appuient sur des principes et des stratégies fortes pour gérer l’emploi et la montée en compétences de leurs collaborateurs. Ils ont inventé différentes stratégies pour développer l’emploi au plus près des territoires et favoriser le développement économique localement. 

  • Michelin. L’entreprise décide de lancer le projet « Parc Cataroux » dans un double objectif de création d’emplois et de développement des compétences. […] En responsabilité vis-à-vis de la ville et de la région, et pour renforcer son ancrage territorial, l’entreprise développe un projet autour de 4 pôles principaux :
    • La manufacture des talents 
    • Les matériaux durables et biotech avec l’implantation d’une société de biomatériaux Carbios 
    • L’innovation avec la création d’un incubateur de start-up 
    • Le pôle sport culture. 
  • SEB. Au lieu de rentrer en concurrence avec des entreprises qui ont délocalisé et réalisent des économies sur le coût du travail, l’entreprise s’appuie sur un paradigme différent et se structure autour d’autres atouts : «  … les gains de productivité nécessaires à la compétitivité des usines en France se jouent non sur la diminution du coût salarial pour s’aligner sur les pays à bas coût salariaux, mais bien sur le développement et la montée en compétences des collaborateurs, l’automatisation, les gains sur la valeur ajoutée et notamment la capacité de livrer ses fournisseurs et d’être en proximité avec les clients finaux. Cette compétitivité des usines en France est la condition de maintien et de préservation de l’emploi ». 
  • Saint Gobain. Cette entreprise conçoit de concert son développement économique et celui des territoires où elle est implantée. Ainsi « performance économique et responsabilité sociale vont de pair » grâce à la création d’emplois. Par le biais de Saint-Gobain Développement, entité dédiée, le groupe propose, en continu et en dehors des phases de restructuration, différentes aides financières et des transferts de compétences aux entreprises du territoire. 

Une stratégie qui vise la résilience

« Ce qui frappe dans les entreprises interrogées, c’est la place et le rôle des dispositifs de développement des compétences et de transmission des savoir-faire dans la dynamique globale de création de valeur. Si les dispositifs mis en œuvre peuvent apparaître singuliers pour chaque entreprise et très diversifiés dans la nature des actions de formation mis en œuvre, ils répondent néanmoins à quatre grandes logiques principales : 

  • Ancrer la vision ou la raison d’être, 
  • Mutualiser l’accès aux compétences et aux ressources, 
  • Accompagner les stratégies de croissance et l’innovation
  • Relever les défis de la transmission des savoir-faire et de la responsabilité sociétale »

Ces différentes démarches impliquent le partage d’une vision long terme et une construction collective et volontaire d’une culture d’entreprise. Un véritable socle de valeurs peut se dégager d’une ligne managériale claire.

Dans le même temps, ces organisations accompagnées d’entreprises spécialistes multiplient les outils de mobilité externe et interne afin de faciliter la gestion de l’emploi. En témoigne par exemple l’utilisation du dispositif « Mon CDI ». Les signataires sont embauchés en CDI-FE par un tiers employeur, qui mutualise plusieurs missions sur un même bassin d’emploi. Ce dispositif permet de palier aux problèmes dus à l’interim. Entre deux missions, les salariés continuent à percevoir leur salaire et sont formés pour améliorer leurs qualifications. 

✘ Partage de la valeur ajoutée

Le partage de la valeur ajoutée peut se faire selon deux manières : 

  • Premièrement, il est possible de participer largement au développement des compétences des salariés. La valeur ajoutée est ainsi redistribuée par la formation.
  • Deuxièmement, on peut réfléchir à une répartition monétaire de la valeur ajoutée afin de maximiser l’engagement des salariés. Pour cela il existe déjà de nombreuses solutions et certains dirigeants plaident pour des changements qui impliqueraient que le possible devienne obligatoire : « Toutes ces mesures garantiraient alors une répartition plus juste et plus efficace de la valeur ajoutée entre les collaborateurs ». 

✘ Développer de bonnes conditions de travail

«  Ces trois dernières décennies ont été marquées par l’émergence d’une critique étayée des modes de gestion traditionnels des entreprises, qui sont aujourd’hui reconnus comme producteurs de maladies de longue durée, de comportements de retrait ou de désengagement, de démissions et de satisfaction en berne ». Article de Laurent Taskin, enseignant chercheur en management à l’université catholique de Louvain.

L’innovation concernant les conditions de travail apparaît cruciale « pour attirer les talents et renforcer le modèle de création de valeur des entreprises (temps de travail, rythme de travail, autonomie accordée….) » 

Plusieurs thématiques reviennent régulièrement : 

  • Refus d’un management autoritaire classique top-down
  • Refus d’une responsabilisation et d’une individuation excessives 
  • Demande de bienveillance
  • Respect de l’équilibre vie privée/ vie professionnelle
  • Télétravail
  • Reconnaissance
  • Ambiance de travail

✘ Des entreprises dans un territoire

Comme nous l’avons évoqué précédemment, une implantation réussie dans un territoire donné est une problématique essentielle de ces entreprises. 

« Les entreprises que nous avons rencontrées portent une attention particulière aux territoires sur lesquels elles opèrent : ce ne sont pas des acteurs indifférents au tissu économique et social qui entoure leurs sites d’exploitation, bien au contraire. »

En effet, ce maillage territorial permet de mieux faire face à une demande ponctuelle de compétences. La mobilité interentreprises peut représenter un atout majeur pour les TPE et PME. C’est sur cette demande que s’est développée l’entreprise Mécanic Vallée. Cette organisation « facilite la mobilité interentreprises de personnels via le prêt ou l’emprunt de compétences grâce au dispositif « Passerelles Industries. » 

Conclusion : 

Parmi les entreprises les plus performantes, certaines ont choisi de faire des compétences et de l’emploi un levier prioritaire, un objectif en soi. En faisant de l’emploi une priorité, l’entreprise se différencie sur son marché, elle innove et capitalise sur les compétences des salariés.

Partant, « elle gagne en agilité et flexibilité et trouve les solutions pour éviter ou limiter l’impact en matière d’emplois des décisions qui parfois s’imposent. Elle est focalisée sur le développement des compétences pour non seulement encourager l’employabilité mais aussi contribuer à sa performance économique. En conséquence, les salariés s’engagent davantage pour leur entreprise et contribuent directement à sa performance ». 

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